La France, les femmes et le pouvoir

Une recherche en histoire politique, présentée par Eliane Viennot


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La France, les femmes et le pouvoir. L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle). Paris, Perrin, 2006

Conclusion Partie 1
Fondations (Ve-IXe siècle)


La construction de l’empire franc concourt ainsi à une transformation profonde de l’église qu’avaient établie Gallo-Romains et Mérovingiens, et, pour ce qui concerne les femmes, à la dégradation de leurs conditions d’existence et d’accès à la culture. Ce recul, toutefois, n’est encore que partiel. Il subit en outre un coup d’arrêt brutal à partir de 843, avec le démantèlement d’un empire décidément trop vaste à gérer, confronté à l’ambition de ses monarques, à la pression croissante des aristocraties locales et à celle de nouveaux envahisseurs. La «restauration de la discipline ecclésiastique» est alors loin d’être achevée, et elle rencontre partout des résistances, dont témoignent les décisions des conciles. Elle est surtout minée de l’intérieur par l’octroi de grandes abbayes à des laïcs, pratique assidue des premiers Carolingiens pour s’acheter des fidèles, ainsi que par la longue crise où la papauté elle-même entre alors.

Quant à «l’ordre masculin», s’il a assurément fait des progrès au cours de cette mutation, son extension au monde laïc – l’immense majorité des populations – est bloquée par le mauvais exemple que donnent toujours des monarques aux épouses trop actives, aux concubines trop nombreuses, aux enfants pléthoriques, aux frères trop souvent éliminés, aux affidés trop souvent choisis sur d’autres critères que ceux du Ciel. Charlemagne lui-même a beau s’entourer de clercs célibataires et soutenir l’Église de tout son pouvoir, il vit au centre d’un harem et fait vanter l’importance des femmes de son lignage, source de sa légitimité dynastique… L’ordre masculin est aussi bloqué par des coutumes, par des schémas de pensée qui y sont étrangers, et bien sûr par tous ceux et toutes celles qui s’y opposent concrètement. Ce qu’on pourrait appeler «l’accumulation primitive du capital d’égalité des sexes» réalisée au cours des siècles qui ont suivi l’installation des Francs en Gaule travaille de toutes ses forces à réduire les efforts des partisans de la domination masculine. Et les événements se chargent de les aider. La Loi salique elle-même, où le recul des uns et l’avancée des autres s’étaient inscrits, sombre avec l’Empire. On va l’oublier pour des siècles.


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