MARGUERITE DE VALOIS, dite la reine Margot

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Les ami/es de Marguerite

Isaac de Laffemas

L’Heureux retour de la reyne Marguerite, duchesse de Valois, par Isaac de Laffemas Sieur de Humont Advocat en Parlement. Paris, François Huby, 1605.

À très haute, très puissante et très vertueuse princesse, Marguerite, reine, duchesse de Valois.

Voici, MADAME, les moindres apparences de mon affection et échantillons de l’humble service que j’ai voué à votre Majesté, qui mendient à la porte de votre douceur un accueil bénin et favorable, attendant que le ciel me fasse naître les occasions de vous en témoigner les effets. Que si je puis savoir que mon labeur vous soit agréable, je contribuerai volontiers à votre grandeur [par] l’humilité de mes offrandes, et me rendrai partisan avec ceux qui sont tributaires de votre bel esprit, afin de joindre à mon devoir l’envie que j’ai de me rendre digne d’être qualifié, jusques aux cendres,
MADAME, 
Votre très humble, très obéissant et très fidèle serviteur,
LAFFEMAS.

••••••••••••••STANCES

Bien que ce grand Soleil qui tout le monde éclaire
Soit autant à chercher (comme il est nécessaire),
Et que tout ici-bas soit sujet à son œil,
Il nous cherche pourtant, et jamais ne se lasse
De tournoyer le ciel pour nous montrer sa face,
Qu’on ne peut égaler qu’à son anti-Soleil.

Il est unique au ciel, mais non pas en la terre :
Un terrestre Soleil lui vient faire la guerre
Et demander sa place au Monarque des dieux ;
Mais pource qu’il n’a pas fini sa destinée,
Quand il aura longtemps la terre gouvernée
Les dieux l’appelleront pour gouverner les Cieux.

Chante ores qui voudra (fût-ce bien un Oracle)
Qu’à Rhodes et Syracuse on voit un grand miracle,
Je lui dirai qu’en France, on en voit un nouveau :
Le Soleil en ces lieux ne se montre qu’une heure,
Et le nôtre est ici pour y faire demeure ;
Peut-on bien figurer un miracle plus beau ?

France ! Et vous, ses enfants, qui tenez en estime
Encor plus que jamais ce Soleil légitime,
Rajeunissez vos vœux et vos affections !
Montrez lui maintenant que vous êtes vous-mêmes
Et qu’à votre Soleil vous serez Chrysanthèmes,
Ainsi qu’auparavant, Héliotropions.

Qui ferait autrement, à son Soleil contraire,
Des nuits et de la mort se rendrait tributaire,
Indigne de jouir de ses rais [rayons] ici-bas.
Mais la France n’a point de si méchants Atlantes
Qui recherchent la nuit, ainsi que font les plantes
Que du nom d’une fille on dit parizatas [belles de nuit ?].

Non, non, troupe fidèle, il faut que je confesse
Que vous avez toujours aimé votre Princesse
Et que vous adorez votre Soleil François ;
Je sais que vous cherchez les moyens de lui plaire,
Et j’en vois tous les jours la preuve populaire
Par l’applaudissement des mains et de la voix.

Cela ne se fait pas sans une extrême joie
Du bonheur que le Ciel par elle vous envoie
Pour dissiper bientôt vos nuageux ennuis ;
Grand pouvoir de son œil ! Qui d’un clin peut réduire
Dans l’effet de la nuit ce qu’au Ciel on voit luire,
Et redonner le jour aux plus ombreuses nuits.

Cet applaudissement est en [causé par la] réjouissance
De cet heureux retour, nourrissons [enfants] de la France !
Dont l’aise vous transporte et si fort vous émeut ;
Ce n’est pas sans raison qu’on bénit sa venue,
Car celle que le Ciel céleste a reconnue
Veut tout ce qu’elle fait, fait tout ce qu’elle veut.

Chers enfants, voulez-vous que ma plume aille dire
À votre Déité ce que je viens d’écrire,
Et que vous lui gardez votre amour coutumier ?
Mais, en semblable cas, le Romain soulait [avait l’habitude de] mettre
(Ce que je ne puis pas) du laurier dans sa lettre,
Si ce n’est qu’Apollon me donne son laurier.

Elle en a déjà tant pendus à ses Trophées
Que sa Muse a gagné les plus divins Orphées,
Plus verts cent mille fois que ceux des champs de Mars ;
Que si les miens étaient parmi cette abondance,
On ne les verrait pas au jardin de plaisance
Qu’elle fera semblable à celui des Césars.

Le Ciel qui ne saurait l’abandonner de vue,
De lauriers triomphants l’a jà si bien pourvue
Qu’elle n’en saurait pas souhaiter de plus verts ;
Et l’Aigle que les Dieux ont mise à son service
La sert comme elle fit Drusille impératrice,
Et tire ses lauriers du Ciel et de ses vers.

Princesse dont le nom parmi le monde vole
Jusqu’aux derniers cantons où peut souffler Éole,
Je vous connais trop grande, et mes vers trop petits ;
Que si j’entreprenais d’atteindre à vos oreilles,
Je ferais un grand bruit, comme font les Abeilles,
Et vous ne verriez point de miel dans mes écrits.

Que je veux mal au Ciel d’avoir été si chiche
(Puisqu’il avait désir de vous faire si riche
Que vous pussiez la Terre et les Cieux mériter)
À l’endroit de quelqu’un qui, riche de science
Comme vous de beauté, de grandeur, de primence,
Peut assez dignement votre gloire chanter.—

Texte établi par Sophie Cinquin, avec la collaboration d'Éliane Viennot (orthographe et ponctuation modernisées; majuscules respectées sauf cas introduisant des confusions).

mis en ligne le 16.5.2018


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