MARGUERITE DE VALOIS, dite la reine Margot

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Les ami/es de Marguerite

Joachim Le Mière

Harangue prononcée en la présence de la royne Marguerite et de sa noblesse, par Joachim Le Mière, maçon, sur le sceu et contenu de ses livres, lesquels livres sont, en suite de la dite harangue, reveuz, corrigés et mis en meilleur ordre qu'auparavant, par la diligence dudit Le Mière… Paris, par F. Bourriquant, 1606.

À très haute, très puissante, très catholique et très vertueuse Princesse la Reine Marguerite.

Madame, 
Je ne doute point que vous ne vous étonniez qu’un homme laid et de si basse condition que je suis s’émancipe tant que de se vouloir aider de votre nom très illustre pour l’appui de ses livres, attendu qu’il n’y a nulle comparaison entre l’excellence de votre Majesté et ma petite capacité. Mais l’assurance que j’ai en votre beauté excessive et familiarité populaire [pour le peuple], outre l’exhortation et avis que m’en ont donnés plusieurs notables personnages, comme nos Pères docteurs en la sainte et sacrée faculté de Théologie, quelques-uns de Messieurs de la Justice et autres honorables bourgeois de cette bonne ville de Paris, m’ont fait prendre la hardiesse de vous offrir, dédier et consacrer ces miens petits labeurs qu’il plaira à votre Majesté recevoir, non comme dignes d’elle, mais comme venant de la part de celui qui les vous présente de tout son cœur, pouvoir et affection. Et qui plus m’a incité à ce faire, ç’a été la bénignité et bienveillance de votre Majesté en mon endroit, laquelle je supplie prendre une bonne part de tout et ne trouver étrange si j’ai choisi et élu pour parrain du discours véritable, ce grand Duc de Montpensier qui le reçut de bonne part, à mon grand contentement, avec Madame la princesse, sa bien aimée et heureuse épouse, par l’intermédiaire de ce très digne et très révérend père Monseigneur le duc de Bouchage. C’est pourquoi, Madame, à son exemple, j’ai été si téméraire que de le présenter à votre Majesté, afin qu’étant reçus sous la grandeur de son nom, ils puissent faire tête et servir de terreur et d’épouvante aux ennemis de notre Sainte Foi, qui m’ont tant de fois affaibli, moi et une mienne fille, pour nous soustraire à la connaissance de Dieu et des sacrements de son Église. Mais Dieu nous a fait la grâce de les combattre et connaître, par bonnes et vives raisons, en présence des susdits Docteurs, qui ont approuvé mêmes Livres et réponses, lesquels le Roi m’a permis faire imprimer et exposer en vente, en quelque lieu que ce soit.
Recevez-les donc, Madame, s’il vous plaît, à l’imitation de ce grand Roi de Perse, qui, revenant de la guerre et se trouvant sur le sommet d’une montagne, altéré d’une soif excessive qui sans cesse le brûlait, rencontra un pauvre villageois; auquel demandant à boire, [celui-ci] lui répond qu’il n’avait que de l’eau. Ce que voyant ce grand Prince, et ne dédaignant ce pauvre manœuvre, le reçut amiablement à son service. Or est-il, Madame, que cette eau ici que je vous présente n’est point une eau matérielle, mais une eau vive, que je fais sourdre et rejaillir par tout ce Royaume, laquelle j’ai puisée en la Mer des prédications et contemplations, dont [d’où], par la Grâce de Dieu, je rafraîchis mon âme. Non que votre Majesté ait besoin de telles considérations que celles-ci, pour être la même consolatrice [la consolation même]. Mais ce que j’en fais, Madame, est en espérance que les recevrez de bonne part, à l’exemple de Dieu, qui ne refuse non plus le pouvoir et bonne volonté du pauvre que du riche, témoins Job et le Lazare. Ayant pris la hardiesse de faire de vous comme le jardinier qui met des appuis à ses jeunes plantes, afin de les garantir des vents et des orages. Vous en ferez donc de même, Madame, s’il vous plaît, à ces petits sauvageaux, à ce qu’ils puissent être appuyés sous la protection des vertus de votre Majesté, à laquelle j’en fais le sacrifice par dévote humilité et respectueuse obéissance, comme celui que vous avez obligé demeurer éternellement,
Madame,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Joachim le Mière.

Texte établi par Sophie Cinquin, avec la collaboration d'Éliane Viennot (orthographe et ponctuation modernisées; majuscules respectées sauf cas introduisant des confusions).

mis en ligne le 18.1.2012


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