MARGUERITE DE VALOIS, dite la reine Margot

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Les ami/es de Marguerite

P. Normandin

Maximes très catholiques touchant le très auguste Sacrement des Sacremens. À la Royne Marguerite. S.l., s.d. (après 1605)

À la Reine Marguerite.

En ce lieu prend fin la digression des remontrances paternelles, si amiables, si salutaires, que Dieu Père tout puissant qui est dans les Cieux nous a faites, par un accord et harmonie musicale de ses Divins miracles, nommément ceux de Jésus son fils. Infiniment à propos (ainsi qu’il aurait fait et fait encore toutes autres choses) sur le point des iniques richesses, lesquelles toutefois peuvent servir fort assurément à ceux qui les possèdent, au moins s’ils veulent, pour faire acquisition d’amis qui les reçoivent, après que leur âme est sommée de comparaître suivant le devoir commun de tous les mortels, en présence du trône souverain, pour, étant là, rendre ses comptes. Réception laquelle nous est certes comme dépeinte et représentée au vif par une histoire des Actes des Apôtres, dont voici la substance:
Une disciple nommée Tabitha (ou bien Dorcas), pleine de bonnes œuvres et aumônes qu’elle faisait, mourut en Ioppe [Joppé]. Entré que fut saint Pierre en la chambre où gisait le corps mort, toutes les veuves se présentèrent autour de lui, en pleurant et montrant les robes et vêtements que Dorcas leur faisait, à ce qu’il la ressuscitât de mort à vie; ce qui fut fait au même temps. Puis, comme il eut appelé à soi les saints (qui avaient envoyé le quérir exprès en Lydda), [et] aussi les vertus, il [la] leur donna et rendit vive. En sorte que les prières des saints et des pauvres furent la cause pourquoi elle fut ressuscitée. Bref: Commande aux riches du siècle présent, écrivait l’Apôtre à son disciple, Archevêque d’Ephèse, saint Timothée, qu’ils ne soient point hautains, qu’ils ne mettent point leur espérance en l’incertitude des richesses, mais en Dieu vivant, qui nous baille toute chose abondamment pour en user. Qu’ils fassent bien, qu’ils soient riches en bonnes œuvres, qu’ils soient faciles [prompts] à distribuer, communiquer et thésauriser pour soi le bon fondement qui est à venir, à ce qu’ils obtiennent la vraie vie.
Et de peur que la déréglée et désordonnée appréhension d’avoir disette ou faute de biens, en ce faisant, ne leur causât une privation des heureux fruits qui sans doute aucun en proviennent, les empêchant de rendre ces fidèles devoirs, la providence du père souverain qu’avons ès cieux avait fait, longtemps auparavant, une ordonnance, et quand et quand [en même temps] une promesse. Lesquelles voici:
Honore le Seigneur de ta substance, et lui donne les prémisses de tous tes fruits (ou bien, selon la version Grecque qui correspond au Septante: Honore le Seigneur de tes justes labeurs, et lui donne les prémisses de tes fruits de justice), et tes greniers seront remplis à foison, (en abondance), et tes pressoirs regorgeront de vin (ou répandront le vin) par-dessus en sorte qu’ils soient sans excuse (ou inexcusables), tous riches avares Chrétiens, cruels, non miséricordieux et pitoyables.
Voilà donc [une] partie des graves considérations, Madame, lesquelles comme je disais me font tenir pour chose vraie, et publier en tout lieux où ce mien petit œuvre prendra jamais prendre son vol. Que votre Majesté, favorisée et gratifiée des célestes bénédictions (gloires et louanges à Dieu), l’assure des premiers rangs entre les heureux et [un] million de fois heureux, qui considèrent le Jugement, qui cherchent le Seigneur, et prennent garde à toutes choses qui lui sont plaisantes ou désagréables. Attendu signamment [notamment] qu’elle a jeté l’œil de son âme sacrée avec tant de soin, fut celle princesse de toutes perfections. Laquelle vraiment a si grande puissance envers la Majesté incompréhensible, qui est seule souveraine, toute-puissante, immense, éternelle (dont ne sont les mortelles majestés que bien petits échantillons, ou rayons et étincelles), pour guerdonner [gratifier] et récompenser de béatitude parfaite et consommée les amoureux fidèles, quiconque puisse être soit homme soit femme. Mais encore (ce qui est plus digne d’admiration), en quelle saison fait-elle cette grande et magnifique largesse d’aumônes, aux religieux ministres de Dieu et aux pauvres? Lui rendant en premier lieu à chacun quartier, il y a jà plusieurs années, toujours la dîme de ses moyens qu’elle reçoit de la libérale main? En ces dernières, où nous vivons (répondrai-je), lesquelles [sont] très déplorables. Lesquelles de même aussi, en conséquence, nous, hommes pêcheurs, sommes très misérables; ce que jadis avait signifié ouvertement, voire sans doute aucun, ces pêcheries. Et sera fait qu’en ce jour là n’y aura point de lumière de foi, mais froidure et gelée de dévotion et piété ou religion vraie. Le Soleil deviendra obscur (à savoir, l’Orient d’en haut, qui luit intérieurement ès cœurs des fidèlement fidèles) et la Lune, c’est-à-dire l’Église, ne donnera point sa lumière. Car qui sont les âmes qui n’aperçoivent les ténèbres horribles, causées en général du débordement des vices et mœurs déréglées de nous autres, les ministres Ecclésiastiques, avoir enfin rendu comme difforme la beauté et splendeur? Et les étoiles cherront du ciel: qui sont ces étoiles? Mais les doctes luiront comme la splendeur du firmament (a écrit Daniel) et ceux qui instruisent plusieurs à la justice seront comme étoiles en perpétuelles éternités. Et pour ce que l’iniquité abondera, la charité de plusieurs refroidira. Mais qui persévérera jusqu’à la fin (en foi et bonnes œuvres) sera sauvé. Et seront les hommes aimant soi-même, convoiteux et avaricieux, hautains, superbes, et plus amateurs des voluptés que de Dieu, ayant l’apparence de piété, mais reniant la force et perfection d’icelle.
Madame, en cela, de fait, vous déclarez imitatrice du Père de nous tous (en matière de foi) qui est Abraham, aussi de Jacob enfant d’Isaac son fils unique, et de Tobie pareillement, dont nous avons parlé jà deux fois, honorés et favorisés de Dieu. Encor vivant sur terre de si rares et singulières prérogatives, distribuant la dîme de vos grands et riches moyens en œuvres pies; et quand et quand [en même temps] fille d’obéissance à une divine Loi, qui entre les autres est de bien grande importance aux Chrétiens. La voilà expresse:
Apportez toute doctrine en mon grenier, afin qu’il y ait à manger dans ma maison; et m’éprouvez sur cette chose, dit le Seigneur. Certes je vous ouvrirai les fenêtres du Ciel, et vous répandrai la bénédiction jusques en abondance; et je reprendrai âprement pour vous celui qui vous dévore, et ne corrompt plus le fruit de votre terre, et la vigne du champ ne sera plus fertile; et toutes gens vous diront bienheureux : car vous serez la terre désirable, dit le Seigneur des armées. Et toutefois l’ombre de ceux qui prennent plaisir à tous ces bienfaits charitables est si petite que [c’est] merveille. Occasion que l’Écriture sacrée demande : qui est celui-là, et nous le louons, qui a pu transgressé, et n’a pas transgressé; faire des maux, et ne les a point faits. Et pourtant sont les biens d’icelui assurés au Seigneur, et toute l’Église des saints racontera ses aumônes. Ce qui est l’une des maîtresses causes, puisque je suis membre d’icelle jaçois que [avant que] pauvre pêcheur, lesquelles m’ont fait juger appartenir aussi à mon devoir de publier et raconter l’excellence des vôtres; mais fût tout à la gloire de son auteur, qui est Dieu. Car sans moi, dit-il, vous ne pouvez rien faire. Quant à l’autre point, qui regarde de la dévotion très signalée et singulière de votre Majesté envers le souverainement glorieux corps de Jésus dont je parlais au commencement. Et encore depuis avais promis dire deux mots, comme était mon intention.
La charité, qui ne cherche point ces choses siennes, m’ayant tiré en des longueurs excessives pour une Épître dédicatoire (lesquelles pour tant seront blâmées, et nommément de ceux qui ont fait preuve de son naturel, qui est si doux et amoureux), ne ressentit ses dards, ses flèches, ses traits qui navrent souvent les cœurs des humbles, emballés et enflammés du divin feu de l’amour, seul vrai, seul parfait et immuable, seul aussi, à dire vrai, sur toutes choses uniquement désirables), en me faisant si amplement discourir sur ses merveilles, je suis forcé de remettre cette noble et grande dispute, à la matière principale, qui s’enfuit. Attendant quoi, je conclus que ma petitesse, vue la vérité signamment [notamment] du second chef de la maxime, gravée au front de la présente comme fondement d’icelle, est en espérance d’avoir cet honneur, que les Maximes Orthodoxes du très Auguste Sacrement, par grâce de Dieu jà conçue en son âme, seront en telles sortes favorisées de votre susdite Majesté, qu’elle prendra bien plaisir (comme de tous ses vœux elle l’en supplie très humblement et au nom de Jésus) qu’icelles voient le jour sous les ailes de sa royale grandeur, à la gloire et triomphe de la vérité qui le concerne; aussi pour obliger ceux qui en recueilleront des fruits à faire requête pour icelle, à ce qu’ayant vécu longues années heureusement, servant Dieu en cette vie mortelle, puis après encore plus heureusement (sans parangon), elle puisse régner immortelle. Qui est ce que je désire.
D. [de] V.M., le très humble, très affectionné, très fidèle serviteur et orateur, indigne diacre et Prédicateur, qui onc espère de la voir, sinon ès Cieux,
P. NORMANDIN.

Texte établi par Sophie Cinquin, avec la collaboration d'Éliane Viennot (orthographe et ponctuation modernisées; majuscules respectées sauf cas introduisant des confusions; quelques alinéas créés dans les textes longs).

mis en ligne le 20.1.2012


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