Des intellectuelles pour Ségolène Royal

Avril 2007

Appel refusé pour publication par Le Monde, le Nouvel Observateur, Libération, La Croix, le Journal du Dimanche

mis en ligne sur http://www.Lafrancelesfemmesetlepouvoir.org [aujourd'hui fermé] en avril 2007

 

«Les intellectuels sur la réserve», «voire absentéistes», analysait Jean-François Colosimo dans Le Figaro du 19 avril; au fil de son article, 28 noms d’hommes – dont quelques morts – mais un seul nom de femme! Les autres médias ne font guère mieux, la plupart du temps. Il y a pourtant des intellectuelles, et pas sur la réserve – serait-ce ce qui empêche de les voir? Celles qui signent ce texte se félicitent que Ségolène Royal ait victorieusement franchi le cap du premier tour et appellent de tous leurs vœux son élection.

     Nous voulons vivre dans un pays où il paraît normal qu’une femme accède aux plus hautes fonctions : rompre avec l’exception française déjà responsable de la loi salique, du si tardif accès au droit de vote et d’éligibilité des femmes, de la place de la France au fond de la classe européenne avec ses 12% de députées, et au 87e rang des nations de la planète pour l’ensemble de ses élues. Nous voulons vivre dans un pays où l’on ne laisse pas une femme sur dix se faire détruire par son compagnon, des milliers de filles subir la loi des grands ou des petits frères, des centaines d’étudiantes supporter des rites d’un autre âge. Nous voulons vivre dans un pays où le travail à temps partiel ne tombe pas «naturellement» sur les femmes, et où les retraites ne fondent pas pour elles comme la neige au soleil, parce qu’on trouvait normal qu’elles s’occupent d’élever les enfants et de remplir le réfrigérateur. Nous voulons vivre dans un pays où le fait d’être une femme ne signifie plus nécessairement être oubliée quand il s’agit de nommer un responsable, d’élire un chef, d’accorder une promotion. Nous voulons vivre dans un pays où les nouvelles rues, les nouvelles places, les nouveaux bâtiments publics ne se verraient pas «naturellement» décerner un nom d’homme; où Olympe de Gouges, Solitude, Germaine de Staël, Flora Tristan, Bertie Albrecht, Simone de Beauvoir, Lucie Aubrac et tant d’autres pourraient aussi dormir au Panthéon ; où l’on pourrait tranquillement porter le titre de professeure, directrice, préfète, écrivaine, autrice, auteure, chancelière, avocate, sans susciter des petits rires étouffés ou de grandes réprimandes de cuistres ignorants.

     Nous appelons à élire Ségolène Royal, parce qu’elle porte des valeurs pour lesquelles nous travaillons, écrivons, créons. Parce qu’elle nous semble capable de les faire vivre.

Jacqueline Aubenas, Brigitte Aubonnet, Nathalie Bajos, Françoise Balibar, Françoise Barret-Ducrocq, Carmen Bernand, Sylvie Blocher, Marie-Claire Boons, Paula Cossart, Françoise Collin, Catherine Coquery-Vidrovitch, Ursula Del Aguila, Geneviève Delaisi de Parseval, Florence Dupont, Françoise Duroux, Marie Florence Ehret, Michèle Ferrand, Françoise Gaspard, Xavière Gauthier, Colette Guillopé, Françoise Héritier, Christiane Klapish-Zuber, Odile Krakovitch, Julia Kristeva, Nicole Lapierre, Armelle Le Bras-Chopard, Florence Montreynaud, Nicole Mosconi, Élisabeth Motsch, Véronique Nahoum-Grappe, Cécile Oumhani, Évelyne Peyre, Florence Rochefort, Rebecca Rogers, Leila Sebbar, Geneviève Sellier, Claude Servan-Schreiber, Martine Storti, Françoise Thébaud, Lucette Valensi, Éliane Viennot, Joëlle Wiels, Anne Zelenski.

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