La France, les femmes et le pouvoir

Une recherche en histoire politique, présentée par Eliane Viennot


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La France, les femmes et le pouvoir. L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle). Paris, Perrin, 2006

Introduction Partie 4 : L'affrontement (XVe-XVIe siècle)


Si les contemporains et les contemporaines de Charles V pouvaient avoir l’impression qu’en France, le plus dur était passé, il n’en est rien. Lorsqu’en 1380 Charles VI et Isabeau de Bavière s’installent sur le trône, ni la guerre civile, ni la guerre étrangère, ni l’offensive contre les femmes ne sont à ranger au magasin des antiquités. Les premières redémarrent aussitôt passé le tournant du siècle et elles vont faire rage cinquante années de plus. L’offensive contre les femmes, elle, va se poursuivre tout au long de cette période pourtant appelée la Renaissance, gagnant bien d’autres domaines que celui du pouvoir suprême et s’accentuant avec une violence jamais atteinte jusque-là, violence que symbolise à elle seule la chasse aux sorcières. La loi salique est au cœur de cette radicalisation et de cette généralisation. Non pas le vieux code des Francs Saliens, bien inoffensif, mais la transformation de l’un de ses articles en loi de succession du royaume, par quelques esprits aussi ingénieux que déterminés, puis son adoption enthousiaste par la plupart des diplômés. La nouvelle loi salique, en effet, ou plutôt l’argumentaire élaboré pour acclimater cette invention, permet d’établir un lien manifeste entre les différents domaines du pouvoir masculin: la «mauvaiseté» fondamentale des femmes, identifiée dès la fondation du royaume, justifie leur mise à l’écart de toute forme de prise de décision importante.

Pourtant, si le camp des partisans d’une domination masculine absolue se renforce, ce n’est pas sous l’effet d’une évolution linéaire. La guerre déclarée aux femmes depuis plus de deux siècles par les intellectuels, cette guerre dont Christine de Pizan croit pouvoir dire qu’elle n’a rencontré, jusqu’alors, aucune résistance, trouve enfin des adversaires déclarés: des lettrées d’extraction modeste, comme elle, mais aussi des princesses, des hommes, et même des savants! Mettant aux prises misogynes (le mot apparaît alors) et champions des dames (le mot «féministe» viendra bien plus tard), ce que les historiens du XIXe siècle appelleront la Querelle des femmes naît à cette époque, pour ne plus quitter le paysage politique et intellectuel français. Cette fracture est renforcée par l’arrivée et l’installation durable au pouvoir suprême d’une kyrielle de sœurs, de mères, de filles et même de maîtresses de rois, alors qu’on croyait, à cette place, le sexe féminin définitivement disqualifié. Fracture aussi réactivée par les nouvelles «pannes» dynastiques qui touchent par trois fois la famille royale durant cette période, reposant la question de l’héritage de la couronne et ramenant sur le tapis la loi salique – dont les historiens acquièrent, dès le milieu du XVIe siècle, la certitude qu’il s’agit d’un faux...


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