MARGUERITE DE VALOIS, dite la reine Margot

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Les ami·es de Marguerite

Texte établi par Éliane Viennot

Notes, indications d'années, introductions et glossaires (mots marqués d'un *) dans les éditions suivantes :

• Marguerite de Valois, Mémoires et autres écrits, 1574-1614. Paris, H. Champion, 1998

• Marguerite de Valois, Mémoires et discours. Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005 — Acheter en ligne

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Je louerais davantage votre œuvre, si elle ne me louait tant, ne voulant qu’on attribue la louange que j’en ferais plutôt à la philautie* qu’à la raison, ni que l’on pense que, comme Thémistocle, j’estime celui dire le mieux qui me loue le plus. C’est un commun vice aux femmes de se plaire aux louanges, bien que non méritées. Je blâme mon sexe en cela, et n’en voudrais tenir cette condition. Je tiens néanmoins à beaucoup de gloire qu’un si honnête homme que vous m’ait voulu peindre d’un si riche pinceau. À ce portrait, l’ornement du tableau surpasse de beaucoup l’excellence de la figure que vous en avez voulu rendre le sujet. Si j’ai eu quelques parties de celles que m’attribuez, les ennuis*, les effaçant de l’extérieur, en ont aussi effacé la souvenance de ma mémoire; de sorte que, me remirant en votre Discours, je ferais volontiers comme la vieille Madame de Randan, qui, ayant demeuré depuis la mort de son mari sans voir miroir, rencontrant par fortune son visage dans le miroir d’une autre, demanda qui était celle-là. Et bien que mes amis qui me voient me veulent persuader le contraire, je tiens leur jugement pour suspect, comme ayant les yeux fascinés de trop d’affection. Je crois que, quand vous viendrez à la preuve, vous serez en cela de mon côté et direz, comme souvent je l’écris, par ces vers de Du Bellay: C’est chercher Rome en Rome, et rien de Rome en Rome ne trouver.

Mais comme l’on se plaît à lire la destruction de Troie, la grandeur d’Athènes, et de telles puissantes villes lorsqu’elles florissaient, bien que les vestiges en soient si petits qu’à peine peut-on remarquer où elles ont été, ainsi vous plaisez-vous à décrire l’excellence d’une beauté, bien qu’il n’en reste autre vestige ni témoignage que vos écrits. Si vous l’aviez fait pour représenter le contraste de la Nature et de la Fortune, plus beau sujet ne pouviez-vous choisir, les deux y ayant à l’envi fait essai de l’effort de leur puissance. En celui de la Nature, en ayant été témoin oculaire, vous n’y avez besoin d’instruction. Mais en celui de la Fortune, ne le pouvant décrire que par rapport (qui est sujet d’être fait par des personnes mal informées ou mal affectées, qui peuvent ne [pas] représenter le vrai, ou par ignorance ou par malice), j’estime que recevrez plaisir d’en avoir les mémoires de qui le peut mieux savoir, et de qui a plus d’intérêt à la véritable description de ce sujet. J’y ai aussi été conviée par cinq ou six remarques que j’ai faites en votre Discours, où il y a de l’erreur, qui sont: lorsque vous parlez de Pau et de mon voyage de France, quand vous parlez de feu Monsieur le maréchal de Biron, quand vous parlez d’Agen, et aussi de la sortie de ce lieu du marquis de Canillac.

Je tracerai mes mémoires, à qui je ne donnerai plus glorieux nom, bien qu’ils méritassent celui d’histoire, pour la vérité qui y est contenue nûment et sans ornement aucun, ne m’en estimant pas capable, et n’en ayant aussi maintenant le loisir. Cette œuvre donc, d’une après-dînée*, ira vers vous comme les petits ours, en masse lourde et difforme, pour y recevoir sa formation. C’est un chaos duquel vous avez déjà tiré la lumière; il reste l’œuvre de cinq autres journées. C’est une histoire certes digne d’être écrite par cavalier d’honneur, vrai Français, né d’illustre Maison, nourri* des rois mes père et frères, parent et familier ami des plus galantes* et honnêtes femmes de notre temps, de la compagnie desquelles j’ai eu ce bonheur d’être.

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