ELIANE
VIENNOT


Cérémonie de réception au grade de chevalière de la Légion d’honneur

Saint-Étienne, Université Jean Monnet, 21 octobre 2009

Discours de

Christine Charretton

mathématicienne,

ancienne présidente de l'Association Femmes et Mathématiques,

ancienne chargée de mission à l'Égalité entre les Femmes et les Hommes à l’Université Lyon 1

Nous voici réunis autour d’Éliane Viennot à l’occasion de son accueil dans l’ordre de la Légion d’Honneur. C’est pour moi un plaisir et un grand honneur de lui remettre cette décoration.

Au moment où Éliane m’a contactée, j’aurais été assez incapable de vous parler d’elle – nos intérêts scientifiques sont différents: elle est professeure de lettres et historienne, je suis mathématicienne. J’aurais seulement pu dire qu’elle est féministe, spécialiste des études de genre, travaux qui nous aident à penser la question des femmes aujourd’hui, qu’elle est spécialiste des femmes de l’Ancien Régime (j’avais remarqué cela vu l’intérêt que portent les mathématiciens et les mathématiciennes à Émilie du Châtelet), qu’elle est spécialiste de la loi salique dont je savais peu de choses sinon que cette loi était en France une référence obligée pour parler de la domination des hommes sur les femmes en politique et ailleurs. Autour de l’année 2000, année de la loi sur la parité, nous nous sommes croisées dans un débat sur la parité, qui était organisé par l’association « femmes et mathématiques », association dont j’ai été plus tard la présidente. C’est à ce titre que j’ai été moi même décorée de la Légion d’Honneur. J’ai ensuite été Chargée de Mission à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes à l’Université Lyon1. Ceci et cela me valent d’être ici aujourd’hui pour lui remettre la Légion d’Honneur. Avant cette remise, et selon la coutume, je vais parler de sa vie – plutôt de ses vies – de son parcours et de son œuvre. Pour ce faire, impossible de dissocier son parcours de militante féministe, marqué d’une suite d’engagements, de sa brillante carrière d’universitaire, celle de l’une des forces motrices des études de genre en France.

Éliane Viennot est née à Lyon, élevée à Toulouse dans une famille modeste où la chose intellectuelle est peu présente mais où néanmoins on envoie les enfants au lycée. Elève de la filière classique avec latin – c’est normal elle est une fille, son frère lui va en « moderne »; elle est marquée par des professeures qui sont parmi les premières femmes indépendantes qu’elle rencontre; l’une d’elles lui fait même connaître Simone de Beauvoir, ce qui l’amène à lire le Deuxième Sexe. C’est une révélation. Son but d’alors: devenir professeure de lettres, mais cet objectif ne sera rempli que 20 ans plus tard. Le bac en poche, elle s’inscrit en hypokhagne puis à La Sorbonne où elle dit s’être profondément ennuyée. Entre temps il y a eu Mai 68, il en reste une vie politique intense dans le milieu étudiant; et la Sorbonne n’est plus que dans la Sorbonne, mais aussi à Clignancourt où elle s’inscrit en 73 pour préparer le CAPES.

A cette époque elle rencontre le MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception); dans un centre MLAC, elle va découvrir avec d’autres militantes la situation dramatique de femmes victimes des lois anti-avortement; ces rencontres fonderont son engagement. Après la loi Veil de 75, le MLAC se désintègre, il en reste un groupe de femmes qui veulent continuer lutte et réflexion. Pensant que la lutte des femmes doit être une composante d’une lutte politique plus large, Éliane Viennot intègre un groupe révolutionnaire. Déception: là comme ailleurs la question des femmes est subordonnée à des objectifs considérés comme plus essentiels et plus glorieux. Elle en part, pour en tirer la leçon écrit ses premiers articles. Autre événement fondateur: en 77 un texte dans Libération appelle les femmes à se rassembler pour réfléchir à l’échec des mouvements de gauche pour la lutte des femmes.  Éliane Viennot va participer à cette réflexion, mais elle a maintenant compris que pour avancer sur la question féministe, il faut faire de la recherche. Certitude acquise après ses lectures et la fréquentation des auteurs et auteures (ou autrices) dans la Librairie Carabosses qu’elle a ouverte avec d’autres militantes, et dont elle a été gérante de 78 à 84. Elle a appris que les recherches sur le genre peuvent avoir un statut intellectuel, sinon encore institutionnel, en particulier après le premier grand colloque sur les recherches féministes qui se tient en 82 à Toulouse.

Elle décide donc de reprendre ses études, saisit l’occasion d’une proposition de sujet par Madeleine Lazard « Mariage et amour chez Brantôme ». Elle s’en empare, ce n’est pas la question littéraire qui l’intéresse le plus mais plutôt de comprendre comment vivaient les femmes au XVIe siècle. Elle va découvrir la « querelle des femmes », cette grande polémiques entre misogynes et féministes, et rencontrer au passage Marguerite de Valois. Elle veut essayer de comprendre comment en 4 siècles la première épouse d’Henri IV est passée de la situation de femme intellectuelle et politique, respectée et respectable, au statut de la reine Margot, la grande amoureuse dévergondée créée par Alexandre Dumas et adoptée ensuite par quantité de romanciers moins talentueux.

En 85 et 86, un poste de Visiting Scholar à l’Université de Washington à Seattle lui permet de survivre, d’avoir une première expérience d’enseignante mais surtout de commencer sa recherche sur Marguerite de Valois pour comprendre à travers ses oeuvres et celles de ses contemporains quel rôle politique et culturel elle a joué. Elle comprend ainsi que le mythe de la reine Margot a servi, durant plus d’un siècle, à expliquer pourquoi les femmes ont été privées, après la Révolution, des libertés civiques et politiques: Dieu sait ce qu’elles en auraient fait si on les leur avait données! A conforter aussi un autre mythe, celui du progrès: l’affaire est éternelle, dans l’histoire les femmes étaient absentes comme créatrices et politiques!

Une fois rentrée en France, pour subvenir à ses besoins et trouver une place d’où parler de ses recherches, Éliane Viennot décide de passer l’agrégation et devient professeure de français – 20 ans après le début de cette histoire. Elle va enseigner pendant plusieurs années dans des classes difficiles tout en continuant à finir sa thèse sur Marguerite de Valois et commençant à chercher un poste à l’université. Il faudra 5 ans pour que sa candidature dans de nombreuses universités soit prise vraiment en considération: son sujet n’est pas sérieux (pourtant deux parties de sa thèse ont été publiées chez Payot), encore moins sérieux le fait qu’elle ait été libraire pendant plusieurs années, bref qu’elle n’ait pas le parcours d’excellence attendu. Tout en cherchant un poste à l’université, elle organisera 2 colloques qui permettront aux études de genre de s’enrichir:
-  l’année du bicentenaire de la révolution française – qui, comme chacun sait, ne fut pas un moment de libération pour les femmes, « Femmes et Pouvoir sous l’Ancien Régime », sous l’égide de l’Université de Columbia à Paris;
-  lors du débat sur la loi pour la parité, parce que l’histoire permet de trouver les racines de l’exclusion des femmes en politique « La démocratie à la française ou les femmes indésirables », dans le cadre d’une des rares centres de recherches sur les femmes, à l’Université de Paris 7.

Enfin un poste: 3 ans à Corte! pendant lesquelles elle prépare son habilitation sous la direction de Nicole Cazauran de Paris 4. Toujours sur Marguerite: le titre « Marguerite de Valois. L’unité d’une œuvre ». Elle consiste en l’édition de la correspondance de la reine, soit environ 500 lettres, dont 150 inédites. Le volume sera publié en 98 chez Champion, suivi l’année suivante d’un autre, consacré aux œuvres en prose et en vers de Marguerite. Et le tout sera couronné d’un prix de l’Académie française. En 1999, Éliane Viennot obtient le poste de professeure de Lettres qu’elle occupe aujourd’hui. Surtout, en 2003, elle la première de son université à être admise à l’Institut Universitaire de France, qui n’accueille alors que 40 membres par an, toutes disciplines confondues; elle en est la première membre senior spécialisée dans les études de genre. Cela lui permet de développer ici un axe genre, ainsi qu’une activité d’éditrice, puisqu’elle crée 2 collections: « La Cité des Dames » et « l’Ecole du Genre ». En 2005, elle est élue au Conseil scientifique de l’Université, qu’elle quitte deux ans plus tard pour prendre la direction de l’antenne stéphanoise de l’École doctorale d’Arts, Lettres et Langues.

En dehors de ces responsabilités, Éliane Viennot consacre maintenant ses recherches aux rapports de pouvoir entre les sexes en France, et notamment à l’histoire de la loi salique, cette imposture forgée au 15e siècle et sur laquelle s’est construite toute une culture de l’exclusion des femmes du pouvoir. Ce questionnement, qui a pour origine la piteuse situation française des femmes en politique et le débat pour la parité dans les années 90, a déjà abouti à la publication de deux livres chez Perrin. Un troisième devrait clore cette longue recherche.

Enfin, à côté de ses activités académiques, pour assurer aux études sur les femmes une place dans la recherche française, elle anime ou a animé de manière militante deux structures: la SIEFAR, Société Internationale pour l’Etude des Femmes de l’Ancien Régime, qu’elle a fondée en l’an 2000 et dont elle vient tout juste d’abandonner la présidence; l’IEC, Institut Émilie du Châtelet, équivalent francilien d’un cluster de la Région Rhône-Alpes, qui a pour objectif « le développement et la diffusion des recherches sur les femmes le sexe et le genre », et qui finance aussi des allocations de recherche doctorales et post-doctorales.

J’aimerais bien vous avoir donné une idée du parcours et des réussites d’Éliane qui lui valent la récompense pour laquelle nous sommes là aujourd’hui. Cependant est-ce que ça aurait du sens de parler de la réussite d’Éliane et d’oublier la situation des femmes à l’université. Analyser la place des femmes dans l'enseignement supérieur et la recherche et son évolution est spécialement intéressant, étant donné le rôle qu'a joué, et que continue à jouer l'enseignement supérieur dans la progression sociale des femmes.

Mais après ce que j’ai dit, vous pensez: où est le problème? Car si Éliane Viennot a été pendant plusieurs années la seule femme professeure de Lettres à l’Université de Saint-Étienne, elle a été rejointe par une seconde il y a trois ans, et à présent par une troisième… ce qui donne aujourd’hui, si j’ai bien compris, la parité. Mais cette situation est exceptionnelle et elle ne doit pas masquer la réalité: en littérature les femmes représentent 65 % des doctorantes, 60% des MCF mais seulement 33% des professeurs; les hommes ont ainsi deux fois plus de chances que les femmes de devenir professeurs. Toutes disciplines confondues on assiste à la même amplification du déséquilibre entre les carrières des hommes et des femmes au fur et à mesure de la formation et cela poursuit au cours de la carrière professionnelle. En effet, alors que les jeunes femmes forme plus de 58% des entrants à l’université, elles ne sont plus que 46% à poursuivre en thèse et ne forment que 41% des effectifs des docteurs diplômés. Si l’on considère les grands établissements de recherche avec les universités, Alors qu’elles représentent 36% des effectifs des chargés de recherche et de maîtres de conférences, elles ne sont plus que 18% dans le corps des directeurs de recherche et des professeurs. Ce phénomène est ce qu’on appelle le plafond de verre ou… le tuyau percé. Je m’appuie sur des données pas toujours faciles à décrypter car en dépit de la Convention 2000 sur la place des femmes dans le système éducatif, le ministère et les universités ne mettent pas à jour les statistiques sexuées que la convention leur donne l’obligation de publier…

Un mot sur l’IUF où Éliane a été accueillie l’année dernière pour la deuxième fois: à la suite du nombre très faible de femmes recrutées jusqu’au concours 2001, une recommandation de vigilance a été émise par les autorités ministérielles, et un encouragement aux candidatures féminines est explicitement formulé dans les appels à candidatures. Du coup, le nombre de candidates et de lauréates a augmenté significativement. Il n’empêche que ces dernières n’ont jamais dépassé les 22%. Quant au jury, s’il est formé de 52% de femmes en 2009, c’était 25% en 2008 et 16% en 2007!

Pour conclure, Éliane Viennot a bien réussi à briser le plafond de verre fait aux femmes à l’université. Pour cette raison pour son œuvre, je vais lui remettre la Légion d’Honneur avec la formule consacrée: «Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalière de la Légion d’Honneur.»


Discours de

Eliane Viennot

Chère Christine,

Merci pour ce résumé très chaleureux de mon parcours personnel et scientifique, qui nous aura rappelé dans quel contexte il s’est inséré, et qui nous aura fourni de la matière à méditer pour l’avenir. J’y reviendrai à la fin de mon propos. En attendant, chère Christine, chère Evelyne, cher-es ami-es et collègues, Cher Khaled, Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d’abord vous dire mon étonnement d’être ici ce soir, objet d’une remise de médaille. La chose est rare, dans notre milieu, et je ne m’y attendais pas. Comme la plupart des enseignants-chercheurs et des enseignantes-chercheuses de France et de Navarre, j’ai choisi ce métier (après plusieurs autres, comme l’a rappelé Christine) pour deux raisons simples, évidentes et désormais célèbres: l’électricité et le chauffage. Or voici qu’il me tombe du ciel une médaille, et que je me retrouve un peu, avec elle, comme une poule devant un couteau.

Je vous dirais même que, lorsque j’ai appris la nouvelle, vers le 25 juillet de l’année 2008, en décachetant mon courrier, j’ai éprouvé un sentiment de colère assez profond. J’attendais bien, en effet, une lettre du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, mais d’une tout autre nature. Certains et certaines s’en souviennent peut-être, vu l’embarras où nous étions, c’est l’année où j’ai postulé pour une reconduction de ma délégation à l’IUF, synonyme de décharge horaire pour moi, et donc de charge pour d’autres. Du temps où le Ministère ne se moquait pas tout à fait de ses personnels, ce genre de nouvelle arrivait début juillet – soit trop tard pour les emplois du temps de l’année suivante, déjà bouclés, mais du moins encore assez tôt pour permettre aux collègues remplaçants de préparer leurs cours. Or, cette année-là, nous étions partis en vacances dans un silence ministériel total. Et personnellement, j’étais d’autant plus dans mes petits souliers que, pour une fois, j’avais trouvé une collègue, Pascale Mounier, prête à prendre en charge le cours d’agrégation. Vue la somme de travail que cela représente, elle devait y passer le mois d’août, et je voyais mal qu’elle puisse travailler ainsi sans être sûre de donner le cours. En lisant que le Ministère me parlait de Légion d’honneur, au lieu de me dire si j’étais ou non reconduite dans ma délégation, je me suis dit qu’on se moquait vraiment de nous. J’ai donc continué à attendre la fameuse missive. Mais au lieu de cela, j’ai reçu une lettre du préfet de mon département, qui me félicitait, puis une lettre de la grande chancellerie de la légion d’honneur, qui m’expliquait que ce n’était pas tout d’avoir été nommée, mais ce qu’il fallait faire pour devenir chevalière – pardon, chevalier, car à ce stade de distinction, aucune odor di femina –, puis des lettres des œuvres de la légion d’honneur, qui me demandaient d’y adhérer… En bref, j’ai bien senti que j’entrais dans un monde parallèle, flottant très loin au-dessus de nos préoccupations. Quant à mon sort mortel et à celui de mes collègues, il n’a été fixé qu’en septembre; et ce n’est pas une lettre qui me l’a appris, mais la consultation du Journal officiel.

Tout cela, me direz-vous, aurait pu m’inciter à renoncer à cette médaille. Or je n’ai fait qu’en repousser la réception à un temps moins agité que celui de l’année dernière, et c’est la seconde chose que je voudrais vous expliquer. Christine Charretton l’a rappelé, je ne viens ni d’un milieu ni d’une culture politique où l’on s’attend à ce genre de distinction; on aurait même plutôt tendance à en rire. Mais le combat pour la parité, qui a rassemblé nombre de femmes (et pas mal d’hommes) de ma génération, m’a conduite à regarder les choses d’un autre œil. Pourquoi les hommes seuls siégeraient-ils au Parlement? Pourquoi les grands hommes seuls dormiraient-ils au Panthéon? Pourquoi les hommes seuls recevraient-ils des distinctions? Lorsque, dans les années 90, des revendications ont surgi sur tous ces terrains, je les ai fait miennes, aussi peu révolutionnaires soient-elles: par esprit de justice, par amour de la raison, et aussi par refus de ces restes d’aliénation qui poussent parfois les femmes à estimer, avec un brin de condescendance, que nous sommes au-dessus de ça, et qu’il faut bien laisser aux hommes ces places, ces honneurs, ces décorations qui leur font tant plaisir… Et pourquoi donc? Pourquoi n’y aurait-il pas des femmes à qui cela fait plaisir d’arborer une médaille? Si ce n’est pas encore mon cas, et s’il y a peu de chances que ça le devienne, c’est en tout cas pour moi un vrai plaisir de savoir qu’aujourd’hui, les promotions sont paritaires.

Mes recherches actuelles, par ailleurs, m’ont confortée dans cette idée. Au cours de la longue enquête que j’ai menée sur les relations de pouvoir entre les sexes en France, j’ai pu observer les efforts déployés par certains hommes, dans certains milieux, à certaines époques, pour se réserver les emplois prestigieux, les places d’influence, les honneurs, les signes de distinction. Songe-t-on que les Messieurs de l’Académie française ont tenu 350 ans avant d’ouvrir leur club à une première femme? et que 25 ans plus tard elles n’y sont toujours que 12%? Combien d’obscurs littérateurs y ont-ils occupé un siège pour que Marie de Gournay, Madeleine de Scudéry, Anne Dacier, Émilie du Châtelet, George Sand, Colette, Simone de Beauvoir, ne puissent pas y poser une fesse? Songe-t-on qu’au siècle des Lumières, ceux de l’Académie royale de peinture et sculpture, la seule qui ait admis les femmes, ont inventé le compte goutte, ou plutôt les quotas, pour n’en avoir jamais plus de 4 à leurs côtés? Songe-t-on que le premier prix Nobel décerné à une femme, Marie Curie, fut partagé en trois pour qu’elle n’en ait qu’un tiers, et que la plupart des bâtiments ou des rues qui portent son nom portent aussi celui de son mari, comme s’ils avaient été siamois? Songe-t-on qu’on se bagarre encore, au Grand Orient, pour que les femmes restent à la porte du Saint des Saints?

Autant de résistances qui ont à voir avec celles qu’évoquait Christine Charretton à l’instant: ce fameux plafond de verre qui empêche les femmes, aussi diplômées, aussi talentueuses, aussi nombreuses soient-elles, d’accéder normalement – c’est-à-dire en fonction de leurs compétences et de leurs mérites – aux sphères où se concentrent argent, pouvoir, reconnaissance. C’est pourquoi il est vain, si nous voulons que des progrès significatifs aient lieu en matière d’égalité des sexes, d’attendre que les choses s’arrangent toutes seules. Il convient de faire prendre conscience de ces résistances, et de prendre des mesures concrètes, ici et maintenant. Si le département des Lettres de l’UJM est parvenu sans cela – mais non sans huile de coude – à établir la parité dans le corps professoral, il n’est hélas guère significatif d’un vrai progrès.

Ainsi, qu’il y ait à présent autant de femmes que d’hommes, voire plus, à enseigner les lettres n’a pas l’air de changer grand chose au fait que les auteurs enseignés soient toujours, très majoritairement, si ce n’est exclusivement, des hommes. Plus largement, qu’il y ait aujourd’hui beaucoup de femmes dans le corps enseignant de l’UJM n’empêche pas qu’elles demeurent bien rares dans les conseils, les comités, les directions. Plus largement encore, qu’il y ait aujourd’hui plus d’étudiantes que d’étudiants dans les universités n’empêche pas que tous les formulaires à remplir, ou que toutes les brochures décrivant la vie étudiante, demeurent exclusivement écrits au masculin… Il y aurait donc beaucoup à faire, et j’espère de tout cœur que notre université signera la charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes que la mission présidée par Christine Charretton à Lyon 1 a fait adopter par le Ministère, et que celui-ci devrait, dans les mois qui viennent, proposer à la signature des établissements. J’espère surtout que nous nous en emparerons, pour qu’elle ne reste pas l’un de ces textes morts et pourtant signés et contresignés qui remplissent si souvent les étagères des bureaux.

Sur ce message d’espoir, je voudrais dire que je pense très fort, ce soir, à toutes les personnes qui m’ont aidée et soutenue dans ce parcours, autrefois et maintenant, en France, aux États-Unis, au Canada, et que je ne citerai évidemment pas. Je voudrais aussi remercier celles et ceux qui m’ont accueillie ici, grâce à qui j’ai pu me faire une place dans cette université, et que je n’ai pas besoin de citer: qu’elles et ils fassent partie du corps enseignant ou du personnel administratif, elles et ils se reconnaîtront. Je ferai néanmoins quelques exceptions: l’une pour Christine Charretton, qui a accepté avec enthousiasme de se prêter au jeu de l’intronisation et qui nous a permis de constater que les littéraires et les matheuses peuvent avoir des objets commun d’action et de réflexion. L’autre pour Khaled Bouabdallah, qui est le troisième président de cette université que j’aie connus, mais le seul qui ai daigné non seulement me parler mais me faire confiance, notamment lorsqu’il s’est agi de rénover le service des Publications. La troisième exception sera pour Annie Renaudier et Fabienne Vial, deux des chevilles ouvrières de l’Institut Claude Longeon, qui veillent sur mes intérêts avec une énergie, une vigilance et un humour sans faille, et qui ont organisé avec la même efficacité cette réception. Enfin, je vous remercie tous et toutes d’être là pour nous accompagner, Évelyne et moi, dans ce petit moment festif que nous tenions à partager avec vous, et dont je pense que nous allons très bientôt pouvoir goûter les aspects terrestres… Dès que les tout derniers mots auront été prononcés!


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