MARGUERITE DE VALOIS, dite la reine Margot

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Les ami/es de Marguerite

Nicolas Coëffeteau

Premier Essai des Questions théologiques, traitées en nostre langue selon le stile de S. Thomas et des autres Scolastiques, par le commandement de la Reyne Marguerite duchesse de Valois. Paris, François Huby, 1608.

À la reine Marguerite.

Madame,
Si votre Majesté, qui ne respire que l’honneur de la France, n’eût usé de son pouvoir absolu pour me faire entreprendre cet ouvrage, la difficulté du sujet m’eût ôté le vouloir de le commencer, ou ma faiblesse le courage de le poursuivre. Et bien que je sache que ceux qui prennent mal mes intentions ne laisseront pas de blâmer mon dessein, attribuant à quelque témérité ce que j’ai fait par obligation, toutefois, me figurant plus de gloire en mon obéissance que de justice en leur plainte, j’ai cru devoir fermer les yeux à toute autre considération, pour satisfaire aux commandements de votre Majesté, qui seront toujours trouvés aussi justes que pleins de puissance. Ainsi ne se peuvent-ils avec raison plaindre de moi de ce que j’ai publié les secrets de la Théologie. Car, outre que ce ne sont pas ceux d’Éleusine, qui avaient honte du Soleil, je ne crois pas les avoir profanés, ne les faisant voir qu’à ceux qui sont initiés aux mystères, comme est votre Majesté; à qui l’Envie même n’ose débattre la qualité de la plus savante Princesse qui soit sur la terre, vu que j’ai aussi peu obligé les autres esprits en écrivant que si je n’eusse pas mis la main à la plume, d’autant que ce Soleil les éblouira seulement, au lieu de les éclairer avec sa vive lumière. Au reste, votre Majesté étant aujourd’hui l’asile des Lettres, il était raisonnable que la Reine des Sciences apprît votre langage, pour vous faire les justes remerciements de l’honneur qu’elles reçoivent d’êtres ouïes de votre Majesté, mais encore plus d’être récompensées. Je tiens donc à un bonheur particulier qu’elle se soit servie de mon travail pour cet effet, puisque je désire avec toute ardeur qu’on peut avoir, ou même qu’on saurait imaginer, de lui rendre preuve de la reconnaissance que j’ai de tant d’obligations, qui me donnent beaucoup de sujets de les ressentir, mais me laissent moins de pouvoir d’y satisfaire. Pour le moins, je m’affranchirai du blâme d’ingratitude, lorsque j’aurai davantage d’appréhension de celui de mon incapacité, qui, me ravissant le moyen de contenter votre attente et mon désir, ne me divertira jamais de celui de faire paraître à tout le monde que je suis, et par inclination et par devoir,
Madame,
De V. Majesté,
Le très humble et très obéissant serviteur,
F. N. Coëffeteau.

Texte établi par Sophie Cinquin, avec la collaboration d'Éliane Viennot (orthographe et ponctuation modernisées; majuscules respectées sauf cas introduisant des confusions).

mis en ligne le 6.1.2012


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