MARGUERITE DE VALOIS, dite la reine Margot

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Les ami/es de Marguerite

I. de La Fontan

Les Jours et les nuicts du sr de La Fontan, où sont traictez plusieurs beaux discours et épistres consolatoires… Paris, C. Sevestre, 1606.

À la reine Marguerite.

MADAME,
Que deviendrai-je? Les rais du Soleil de votre prudence fondront-ils pas mes audacieuses ailes? Donc il faut que j’aie ce malheur de donner mon nom à une mer, comme un téméraire du passé. Disgrâce, certes, qui n’est due qu’aux infortunés. Arrière, craintes! Tenez-vous en votre point, mon courage! Puisque votre but tend ailleurs qu’à déplaire, quoique jetée en un tel jour, votre opinion semble s’acquérir sans y penser ce blâme. Grande Reine, je tente trop, mais je n’attends rien par volonté contre votre contentement. Si mon ignorance me fait faillir, hé, Dieu que j’ai souvent erré! Mais votre Majesté, toute douceur, la bonté seule, l’unique Soleil de la vertu, voudra[-t-]elle rendre mon audace criminelle? Elle, dis-je, l’olivier vivant de la clémence de Valois? Le chêne fatal duquel n’est pas seulement sortie la voix de l’annonciation de notre bonheur, ains [mais] la perfection même d’icelui, signera l’arrêt, quoique juste, que prononce mon hardiesse contre moi-même.
Un ancien roi de jadis ne dédaigna pas trois figues qu’un pauvre villageois lui présenta, et les effets admirables de la bonté de votre majesté m’assurent qu’elle ne rejettera point ces faibles et légères conceptions de mon esprit. Ou plutôt, qu’elle ne me punira pas pour avoir osé les lui offrir, vu que leur sujet a tiré son origine des ordinaires devis que votre Majesté met en avant à sa table, le sacré jardin où tous les beaux esprits de ce temps vont cueillir et semer mille belles, diverses et odorantes fleurs, et y consacrer comme en un autre Panthéon où tous les Dieux habitent, par la présence de votre Majesté, toutes sortes de vœux pour son heureuse prospérité.
Ainsi le ciel, Madame, ne vomit pas l’amertume de son fiel sur la terre, il ne l’atterre pas incontinent qu’elle lui fait effleurer ses vapeurs. Plutôt, charmant la passion de son ire avec la lyre de la compassion, il dissipe ses impuissants efforts, et sans la foudroyer (comme il est toujours commisératif), forme souvent de ses injures des salutaires rosées pour le profit de cette adversaire. Vous, grande Reine, le vrai ciel des merveilles du ciel, l’imiterez aussi en ses actions excellentes de la débonnaireté. Et pardonnant à mon outrecuidance, au lieu de me poudroyer, vos grâces me disent sourdement qu’elles font grâce à ma très humble intention, qui n’a jamais été animée d’autre désir que celui d’un,
Madame,
Très humble, très obéissant et très affectionné sujet et serviteur,
I. de la Fontan.

Texte établi par Sophie Cinquin, avec la collaboration d'Éliane Viennot (orthographe et ponctuation modernisées; majuscules respectées sauf cas introduisant des confusions).

mis en ligne le 16.1.2012


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