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Les accords au choix

Eliane Viennot © acticle mis en ligne le 20 janvier 2023

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À côté des accords de proximité, les accords au choix constituent une solution facile pour accorder des noms de genre ou nombre différent avec un autre terme (adjectif, participe, déterminant…), quelle que soit la place de ces éléments. Cette solution s’impose notamment lorsque ces noms ne sont pas sur un pied d’égalité, lorsque l’un d’entre eux est plus important que l’autre (ou les autres) pour une raison quelconque.

Ce type d’accord était assez souvent pratiqué avant l’invention du dogme de l’accord au pluriel du «genre le plus noble», aujourd’hui résumé par la formule «le masculin l’emporte sur le féminin». Deux cas sont repérables:
-
celui où intervient un choix personnel, que la personne qui s’exprime peut expliquer, ou qu’on peut parfois reconstituer si on la connait ou si on connait le contexte d’écriture;
-
celui où la logique prend le dessus par rapport au mécanisme ordinaire des accords quand le sens s’y oppose. Le fait de contrarier ce mécanisme, sans pour autant tomber dans le solécisme (l’erreur d’accord) a de longue date été pensé comme une figure de style (un écart recherché, assumé), que les anciens ont nommée syllepse. En réalité, certains cas particulièrement communs ne relèvent pas de cette intention.


I. Accord avec le nom jugé le plus important

I-1. «Toutes les cabanes et logis dudit Cauterets furent si remplies d’eau…»
— Marguerite de Navarre, Heptaméron, 1530-1549, Prologue.

I-2. Le Parnasse des Poètes Français modernes, contenant leurs plus riches et graves sentences, discours, descriptions, & doctes enseignemengs, recueillies par feu Gilles Corrozet Parisien
— Gilles Corrozet, Galliot Corrozet, 1571
(couverture ci-dessous)

I-3. «Monsieur le cardinal de Tournon […] me consolait et fortifiait à souffrir toutes choses pour maintenir ma religion, et me redonnant des heures et des chapelets au lieu de celles que l’on m’avait brulées
— Marguerite de Valois, Mémoires, 1593+, année 1561 (époque du colloque de Poissy)

Les exemples donnés ici montrent des choix portant sur le genre (aucun ne met en jeu le nombre, singulier versus pluriel). Certains de ces choix sont lumineux. Pour d’autres, on peut émettre des hypothèses quant aux les raisons qui ont poussé les auteurices à accorder comme elles l’ont fait.

A. Exemples anciens (orthographe modernisée)

Dans le premier exemple, on peut estimer que le mot cabanes a été considéré plus important que le mot logis, ce dont pourrait témoigner le fait qu’il est placé en premier dans l’énoncé. On peut aussi penser que les deux mots qui accompagnent ce premier nom, dont un adjectif manifestement féminin (toutes) accentuent mécaniquement son poids par rapport à l’autre, entrainant l’accord au féminin. On remarquera que cet adjectif s’accorde avec cabanes, alors qu’il est en facteur commun avec logis: c’est un accord de proximité. Les deux systèmes peuvent parfaitement cohabiter.

L’exemple 2 ne présente aucune difficulté d’interprétation. Dans ce titre de livre, le groupe nominal plus riches et graves sentences est placé en tête des noms appelant un accord, et c’est le seul qui contient deux adjectifs: à l’évidence, aux yeux de l’auteur, il s’agit de la plus riche matière du livre. Cette information serait perdue si l’on appliquait la règle mécanique du «masculin qui l’emporte».

L’exemple 3 ne contient pas davantage de mystère, à condition de savoir de quoi parle l’autrice. Les livres d’heures étaient de petits ouvrages riches de contenu religieux et souvent magnifiquement illustrés. Pour les princes et les princesses de cette époque, ces objets d’art avaient beaucoup plus de valeur que les chapelets. C’est du reste le mot qui est émis en premier.

I-4. «Or, leur dit Parlamente, tant plus avant nous entrons en ce propos, et plus ces bons seigneurs ici draperont sur la tissure [= se rangeront à l’avis] de Simontault, et tout à nos dépens [nous, les femmes]. Parquoi, vaut mieux aller ouïr vêpres, afin que [nous] ne soyons tant attendues que nous fûmes hier.»
— Marguerite de Navarre, Heptaméron, 1530-1549, Nouvelle 20

I-5. «JUIN. Le mardi premier jour de juin au soir, la reine mère et tout le surplus de la cour vint coucher au châtel du Louvre, à Paris, laissant le corps du roi mort audit lieu de Vincennes.»
— Pierre de L’Estoile, Registre-Journal, juin 1574

Exemples anciens appartenant au corpus des noms d'être animés

Les exemples qui précèdent mettent en jeu des noms appartenant au corpus des «êtres inanimés»: des objets (cabanes, chapelets…) ou des réalités immatérielles (discours, enseignements…). Ceux qui suivent montrent que le choix peut aussi se porter sur des personnes.

Dans l’exemple 4, l’accord au féminin ne s’explique pas parce que les femmes seraient plus nombreuses (il y a parité 5-5) ou qu’elles seraient responsables du retard de la veille (c’est l’ensemble de la troupe qui a discuté trop longtemps). Elle s’explique vraisemblablement par la différence sociale: la femme qui s’exprime, Parlamente, est à la fois la meneuse du jeu (c’est elle qui a initié le passetemps qui occupe les personnages) et la porte-parole de l’autrice, reine de Navarre, sœur du roi de France François Ier. Il y a également dans le groupe une femme encore plus importante à ses yeux: Oisille, la plus âgée, qui a pour modèle Louise de Savoie, la mère de François et de Marguerite. Le pronom sujet nous est sous-entendu dans le texte (comme c’était encore souvent le cas à la Renaissance) mais c’est lui qui, mentalement, entraine l’accord.

L’exemple 5 montre un choix encore plus clair: la reine mère (Catherine de Médicis) est citée en premier, et c’est avec elle que se fait l’accord du verbe, au singulier, alors qu’elle n’en est pas l’unique sujet. La moindre importance sociale du groupe (évidemment mixte) qui l’accompagne est d’ailleurs accentuée par le fait qu’il est désigné par une expression dont le mot principal relève du corpus des inanimés. On peut évidemment faire l’hypothèse qu’il s’agit d’un accord de proximité (le mot surplus imposerait le singulier du verbe), mais c’est très peu probable au regard de l’idéologie dominante de l’époque.

I-6. «Est-ce la chair ou l’esprit dans Tristan qui est intéressée
— Paul Claudel, Richard Wagner - Rêverie d’un poète français, Revue de Paris, 1934, p.278

I-7. «La vieille dame et son déambulateur ont été percutées par une voiture.»

I-8. «Convergence Infirmière appelle d'ores et déjà les infirmières à se tenir prêtes à d'éventuels mouvements à compter d'une rentrée qui à l'évidence sera très chaude.»
— Convergence Infirmière, 6 juillet 2018


illustration de l'exemple 2

B. Exemples modernes

L’exemple 6 peut surprendre les personnes connaissant la réputation de Claudel, mais non sa personnalité profonde: cet écrivain catholique penchait manifestement du côté de la chair, puisque c’est avec ce mot que l’accord est fait! Hypothèse accréditée par le fait que ce mot est nommé en premier.

L’exemple 7 (forgé) montre un choix qui s’explique par la différence de valeur accordée aux termes appelant l’accord. Quelle que soit leur place, le nom qui désigne une personne passe avant celui qui désigne un objet: c’est son genre qui s’impose. Le pluriel lui aussi s’impose, comme c’est le plus souvent le cas quand les deux noms sont coordonnés et suivis du verbe être (voir la section «des problèmes?» dans les accords de proximité).

L’exemple 8 illustre davantage un processus mental qu’un accord proprement dit puisqu’un seul nom figure dans la phrase, entrainant un accord ordinaire au genre et au nombre de ce nom. Ce processus consiste à nommer un seul des groupes de sexe qui composent une population, en vertu de leur différence numérique flagrante. Ce choix est parfois revendiqué comme relevant du «féminin générique», par opposition au «masculin générique» qui consiste à traiter au masculin d’une population mixte. Toutefois les deux cas sont fort différents en l’état actuel des mentalités.

  • C’est par inintérêt pour les femmes que sont conduits la plupart des énoncés au masculin dit générique, et non par suite d’une réflexion sur le nombre respectif des groupes composant la population évoquée. Et le choix intervient d’autant moins qu’il s’agit d’une longue tradition, elle-même théorisée au XVIIe siècle et enseignée à l'école comme une vérité. C'est donc à la fois un automatisme et une idéologie – masquée par ces divers procédés de naturalisation. Choisir le féminin relève au contraire d’un choix délibéré, puisque cette tradition-là n’existe pas, et qu’il faut au contraire contrarier celle qui veut que tout groupe abritant ne serait-ce qu’un seul homme doit être désigné au masculin.
  • Par ailleurs, il ne s’agit pas de reconduire dans la langue le mépris social des hommes (qui n’existe pas non plus), et il faut prendre en compte la proportion des groupes, seule justification de cet accord de majorité mental (les hommes représentent aujourd’hui 14% de cette profession qui fut longtemps exclusivement féminine – non par choix des infirmières, mais par suite d’une longue histoire ultra violente: celle de la confiscation par les hommes des places de pouvoir dans les métiers de la médecine). Cet exemple montre que certains groupes résistent contre vents et marées à toutes ces sortes de sexisme.

II. Accord selon le sens de l'énoncé
II-1. «Tout ce qu'il y a de rois semblaient faits pour m'aimer»
— Molière & Corneille, Psyché, Tragédie-ballet, Acte II, sc3, 1671

II-2. «Il a tout refusé, mais la noblesse de Rennes et de Vitré l’ont élu malgré lui, pour être à leur tête, au nombre de six cents et plus, et il n’a pas été en son pouvoir de refuser un choix si honorable.»
— Mme de Sévigné, lettre au comte de Bussy-Rabutin, 16 mars 1689, in Lettres, éd. Monmerqué, 1862, t.8, p.533

II-3. «Le petit chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa grand-mère était faite en son déshabillé.»
— Charles Perrault, Le Petit Chaperon rouge, in Histoires, ou Contes du temps passé, 1697, p.54

II-4. «Minuit sonnèrent»
— Émile Zola, L’Œuvre, Charpentier, 1886, p.302 (fin chap.8).

L’accord au choix peut être réalisé lorsqu’il y a divergence entre le terme ou l’expression qui appelle l’accord (son genre, son nombre, sa personne), et l’idée évoquée (un autre genre, un autre nombre, une autre personne). C’est-à-dire lorsque le discours répond à la pensée plutôt qu’aux mécanismes d’accord ordinaires. Celles-ci sont connues, mais l’esprit passe outre et fait l’accord selon sa représentation du propos.

A. Exemples anciens (orthographe modernisée)

Dans l’exemple 1, le sujet est un singulier, mais ses compléments suggèrent l'existence d'un groupe nombreux, dont le sens est «tous les rois existants». Donc l’esprit rectifie et met le verbe au pluriel.

Dans l’exemple 2, l’autrice désigne le groupe social qui fait l’action, mais elle a en tête le grand nombre d’hommes qui ont voté pour son fils.

Dans l’exemple 3, le sujet de l’action est une petite fille – en dépit de son surnom masculin. L’auteur restitue le genre qui s’impose dès l’apparition du premier pronom personnel représentant ce sujet. Le fait qu’une dizaine de termes sépare les deux facilite ce rétablissement. Dans d’autres passages, lorsque le pronom est plus proche du sobriquet, il est au masculin. La rectification intervient alors dans la proposition ou la phrase suivante.

L’exemple 4 provient d’un roman d’un grand écrivain, mais l’expression est on ne peut plus courante avec le verbe employé à un autre temps que le passé simple. L’idée qui prime ici est le nombre de coups entendus, d’où le pluriel.

II-5. «La nounou avait l'air soucieuse et elle avait fini par parler de ses problèmes d'argent.»
— Leila Slimani, Chanson douce, Gallimard, 2016, p.85

II-6. «La plupart des gens pensent que la société est plus violente aujourd’hui qu’autrefois.»

B. Exemples modernes

Dans l’exemple 5, l’autrice entend qualifier la nounou elle-même, le sujet de la phrase, plutôt que son air. Elle fait de l’adjectif un attribut du sujet nounou, et non une épithète du nom air. Avoir l’air est alors un équivalent de sembler.

L’exemple 6 illustre un cas très fréquent, où le sujet exprime une quantité par l’intermédiaire d’une expression grammaticalement au singulier. L’esprit considère le grand nombre de gens, et donc accorde au pluriel.

Dans tous ces exemples, le choix est possible: l’accord a été fait selon la logique, mais il pourrait avoir été fait selon la règle ordinaire: «la noblesse l’a élu», «la nounou a l’air soucieux», «la plupart des gens pense».

Suivre sa pensée plutôt que le mécanisme ordinaire des accords : une syllepse ?

II-7. «Celle [la figure] qui s’accorde plus avec nos pensées qu’avec les mots du discours s’appelle Syllepse, ou Conception, comme quand je dis: Il est six heures. Car selon les mots [du discours] il faudrait dire elles sont six heures, comme on le disait même autrefois.»
— Antoine Arnauld et Claude Lancelot, Grammaire générale et raisonnée, Pierre le Petit, 1660, p.145-146

Les théoriciens ont très tôt appelé ces écarts entre la grammaire et l’esprit une syllepse, terme issu du grec syllepsis, qui signifiait «prendre ensemble» – en l’occurrence, faire fonctionner ensemble la forme et le fond, malgré leur apparente divergence. Les exemples qui précèdent expliquent pourquoi les grammairiens de l’âge classique ont pris l’habitude de qualifier ces syllepses de «grammaticales»: elles n’ont pas grand-chose à voir avec les effets de style! Il ne fallait pas les confondre avec un autre type d’écart, intitulé «syllepses stylistiques», figures bien plus complexes qui n’entrent pas dans le cadre de cette étude.

La citation ci-contre (ex.7) montre que cette figure a parfois été revendiquée pour aller au rebours du rétablissement de la logique, et alors même que ce rétablissement est impossible. Après avoir expliqué ce qu’est une syllepse (un choix selon sa propre «conception»), les auteurs de la grammaire dite «de Port-Royal» attirent l’attention sur l’illogisme dans l’accord d’un nom féminin avec un pronom masculin, et d’un singulier avec un pluriel. Illogisme pourtant accepté, au nom de «nos pensées».

On est ici dans le cas inverse de ceux vus précédemment. La phrase ne commence pas par un terme ou une expression porteuse d’un genre et d’un nombre qui pourraient s’imposer en vertu du mécanisme ordinaire des accords, mais que l’esprit contrecarre en privilégiant la logique de son propos. Elle commence par un pronom masculin qui impose son nombre au verbe, tandis que l’élément porteur du sens est laissé en l’état – aucune autre solution n’étant possible. Les auteurs se contentent de reconnaitre la double incohérence (un masculin singulier combiné avec un féminin pluriel) et l’assument, au nom de leur «conception». Dans la phrase suivante, ils formulent une explication du processus intellectuel qui est à l’origine de cette bizarrerie, mais leur commentaire ne porte que sur le nombre: je démarre avec un singulier parce que je pense précisément à cette heure-là, la sixième. En ce qui concerne le genre (pourquoi démarrer avec un masculin alors qu’on pense à un féminin?), l’impasse est totale.

1. «Il faut dire cette femme est poète, est philosophe, est médecin, est auteur, est peintre; et non poétesse, philosophesse, médecine, autrice, peintresse, etc.»
— Nicolas Andry de Boisregard, Réflexions sur l’usage présent de la langue française…, Laurent d’Houry, 1689, p.228

2. «Vous êtes satisfaite et je ne la suis pas.»
— Pierre Corneille, La mort de Pompée, 1643, Acte V, sc.2

3. «Si je parle des hommes et des femmes qui sont dans une compagnie, après avoir dit qu’il y avait dans cette compagnie diverses personnes de la Cour et de la ville, je dirai ils parlèrent des affaires de la guerre, et non pas elles; car les hommes et les femmes sont la chose signifiée: et quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte.»
— Dominique Bouhours, Remarques nouvelles sur la langue françoise.», Sébastien Mabre-Cramoisy, 1675, p.4

Deux remarques peuvent être faites à ce propos:
  • On est là dans la seconde moitié du XVIIe siècle, soit à une époque où plusieurs programmes linguistiques masculinistes ont commencé d’être pensés, promus et mis en pratique: condamnation des noms féminins désignant des activités considérées comme strictement masculines (citation 1), condamnation du pronom attribut la avec lequel les femmes se définissaient ou se qualifiaient (citation 2), théorisation du masculin aujourd'hui dit générique (citation 3), élaboration du dogme de l’accord au masculin «qui l’emporte»… Pour ces grammairiens, expliquer pourquoi leur préférence va à un masculin est inutile. Le «genre le plus noble» fait partie des meubles.
  • En réalité, il y a déjà longtemps que l’emploi de ce pronom personnel masculin dans les expressions impersonnelles (heure, météo, nécessité impérative ou atténuée, idées…) fait jaser. Le pronom sujet neutre el ayant disparu vers le XIIe siècle, beaucoup de gens employaient en ces cas soit un autre pronom neutre («c’est six heures», «ça gèle», «c’est important»…), soit aucun pronom («faut partir»…). Concernant l’expression de l’heure, ces grammairiens mentionnent eux-mêmes un usage antérieur tout à fait cohérent (les deux éléments au féminin pluriel, le verbe au pluriel). Dans tous ces cas, leurs semblables et autres professeurs de beau langage n’ont pas cessé d’expliquer que ces tournures relevaient d’un français «relaché», populaire. Au nom de la distinction, il fallait employer le pronom masculin.

II-8. «SYLLEPSE. subst. fém. Figure de Grammaire, par laquelle le discours répond plutôt à notre pensée qu'aux règles grammaticales. Il est six heures, au lieu de dire, Il est la sixième heure, est une syllepse.»
— Dictionnaire de l’Académie, 4e .éd. 1762

De fait, ce tour ne relève pas de la syllepse. L’Académie française, qui avait pris l’habitude de citer une phrase relativement proche dans son Dictionnaire (ex.8), rectifie dans sa sixième édition (1832-1835). Elle abandonne son exemple pour un autre, qui relève bien, lui, de la définition donnée (la même que précédemment): «La plupart des hommes sont bien fous, est une syllepse».

On remarquera que l’Académie, en mettant au singulier le verbe de la phrase de la Grammaire de Port-Royal, a réduit son incohérence: celle-ci ne porte plus que sur le genre. Ajoutons que cette expression-là n’est pas donnée comme vieillie, et elle semble même avoir longtemps survécu. Elle est encore citée dans la Grammaire française réduite aux définitions et aux exemples les plus simples, à l'usage des écoles primaires d’Ambroise de Grisy (Delagrave, 1872, p.354). Toutefois, ce grammairien ne la mentionne pas au titre des accords s’écartant de la norme, mais à celui de la confusion entre deux types d’adjectifs: «L’adjectif numéral cardinal s'emploie souvent pour l'adjectif numéral ordinal: Il est six heures, au lieu de: Il est la sixième heure». La première expression est épinglée comme une erreur courante. Mais l’incohérence du pronom masculin introduisant un nom féminin n’est toujours pas mise en cause, ni même remarquée.

Au-delà des confusions scientifiques engendrées par l'idéologie, cette terminologie devrait être abandonnée. Elle vise à classer parmi les figures, c’est-à-dire des ornements du discours maniés par les personnes maitrisant l’art rhétorique (sous-entendu: les autres, s’abstenir) ce qui n’est bien souvent qu’un réflexe, et la preuve que l’esprit demeure aux commandes lorsqu’on parle ou qu’on écrit. Il faut désigner la réalité du procédé (c’est un type d’accord au choix), et enseigner que ces écarts sont à la fois possibles et légitimes – pour autant qu’on puisse en expliciter la logique.


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